Eh oui! En
Afrique il est possible de réaliser de belles et attendrissantes photos
d'enfants. Avant de les regarder, il faut d'abord passer par les dures
réalités; celle des enfants-sorciers en est une à laquelle on ne peut
échapper. Je livre ici l' exposé fait en septembre 2002 à St Sauvan (Var) par
un ami, le P. Jean Gbassi qui vit au coeur du problème.
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Infanticide des enfants dits “sorciers”
Nous
travaillons dans une paroisse au Nord du Bénin. La paroisse de Wénou
dans le diocèse de N’Dali qui est à environ 475 km de Cotonou(côte
Atlantique).
Le diocèse comme d’autres du Nord est fortement influencé
par l’islam et encore plus par le poids de la tradition ancestrale.
Une tradition porteuse de valeurs mais qui
considère toujours une catégorie
d’enfants comme “sorciers”.
Est
considéré comme un enfant sorcier :
un enfant dont la maman meurt en
couche,
un nouveau né qui se présente par le siège lors de la naissance,
un enfant qui pousse ses premières dents par la mâchoire supérieure.
Ces
critères condamnent automatiquement l’enfant à mort.
Il
existe d’autres enfants qui subissent le même sort. Il s’agit
d’enfants dits “anormaux” :
les
enfants nés prématurément (surtout autour de 7 à 8 mois),
ceux
qui ne crient pas à la naissance.
Dès
que l’enfant naît de manière anormale ou jugé “sorcier”, le
chef de la collectivité va chercher le bourreau qui une fois sur le
lieu emporte le bébé vers une destination d’où on ne le reverra
plus jamais revenir.
« Là-bas
le corps du petit être inoffensif est fracassé contre un arbre et
enterré. C’est après cet acte que le bourreau revient au village en
libérateur pour recevoir sa récompense »
Il
existe d’autres moyens pour éliminer l’enfant innocent. Le bourreau
peut par exemple égorger l’enfant. Je connais un ancien bourreau
converti qui m’a montré son couteau de salle besogne.
Il
est à noter que tous ces enfants dits “sorciers” ou anormaux ne
sont pas tous tués. Je ne me suis pas trop renseigné sur les critères
qui font qu’on leur épargne la mort. Mais ceux là ne restent pas
dans la maison familiale ni dans le village. Ils sont confiés à une
famille réputée pour accueillir ces enfants. Ces familles ne se
trouvent pas dans tous les villages. Je connais seulement un village qui
accueille ces enfants. C’est le village de BORI qui est sur ma
paroisse. Ces familles adoptent ces enfants non pas par mesure
humanitaire mais pour plus tard servir d’échange avec les éleveurs
Peuhls contre un bœuf ou faire d’eux des esclaves de la maison. Leur
logement ressemble aux étables des bœufs et des moutons, ils doivent
se nourrir de la mendicité.
D’après
les recherches du professeur Albert Tinglé Azalou, sociologue et
anthropologue à Université Nationale du Bénin :
« l’infanticide
rituel est pratiqué dans un souci de préservation de la paix et de la
quiétude fondée sur la superstition. Le bébé “sorcier” apporte
toujours le malheur avec lui affirme-t-on. Dès sa naissance, c’est
tantôt la mère, la grand-mère ou l’oncle qui meurt. C’est le papa
qui tombe d’un arbre et se fracture la jambe ou se fait piquer par un
serpent en revenant du champ ».
La
cause de tant de malheur ne peut être que le nouveau né, le bébé
sorcier.
Qu’est
ce que l’Etat fait pour éradiquer ce phénomène ?
Pas
grand chose pour le moment.
En
1996, le Ministère de la Protection Familiale a été créé par
l’actuel gouvernement. En mai dernier, le Ministre qui est une femme a
sillonné la région pour s’informer de cette pratique. J’ai appris
récemment, après mon départ du Bénin, que le gouvernement a alloué
une enveloppe importante à ce ministère pour agir.
Sur
le plan juridique, le problème est un peu complexe. Selon le chef de
Brigade de la Protection des Mineurs de Cotonou, « l’infanticide
rituel est un acte puni par les lois en vigueur au Bénin. Mais il faut
noter que les preuves de l’infanticide rituel sont difficiles à établir
parce que très souvent l’acte a lieu dans la discrétion et est
entouré du secret familial ce qui rend difficile voire impossible l’établissement
de preuves, surtout quand l’enfant est étouffé ou tué dans la
brousse.
Que
fait l’ Eglise ?
Dans
l’ouest du Nord- Bénin, Le Père Bio Sannou a créé une association
nommée “espoir de lutte contre l’infanticide”, il a réussi ainsi
à récupérer plus de 200 enfants. Certains sont placés dans des
familles adoptives en France.
Dans
le diocèse de N’Dali où je travaille, un chapitre de sensibilisation
contre l’infanticide est inséré dans le programme de catéchèse et
à tous les programmes de formation des associations et groupes de prière
catholiques.
J’ai
présentement chez moi (à la mission) deux garçons de 6 ans (cf.
affiche) pour qui je cherche activement des parrains qui nous aideront
à assurer leur instruction scolaire. Il y a un troisième qui
n’est pas encore avec nous mais nous menons des démarches pour le récupérer.
Deux filles “anormales” parce-que poussant précocement les dents
par la mâchoire supérieure, sont déjà placées dans un internat,
chez les Sœurs. Les Sœurs se montrent indulgentes avec nous et
prennent ce que nous leur trouvons comme pension pour ces petites
filles.
Enfin,
nous envisageons aussi de construire un petit bâtiment sur le terrain
de la mission pour accueillir ces enfants et assurer leur avenir.
Nous
comptons sur les âmes généreuses pour mener à bien notre lutte
contre l’infanticide rituel et réaliser notre projet.
Voilà!
Il fallait que les choses soient dites, d'autant que par chez nous on
n'est pas très au fait de ce genre de problème.
Maintenant on peut passer à la galerie de photos d'enfants!