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... Y a tout à voir!

Dans Cotonou et ses abords c'est un véritable sport de piloter une voiture: il y a nécessité de surveiller permanemment (comme on dit ici) la trajectoire anarchique des 2 et 4 roues, en essayant de deviner ce que va faire l'autre et d'anticiper comme on peut, en essayant de comprendre et appliquer le code de la route informel. Le plus simple est de ne jamais regarder les rétroviseurs et d'avoir les yeux plutôt fixés sur ceux qui vous précèdent, quelle que soit l'importance de leur véhicule.

Pour couper la route et se glisser dans le flot des véhicules de toutes sortes il ne faut pas hésiter à "y aller au culot" si l'on ne veut pas rester bloqué ou, au besoin, demander à une âme bienveillante de céder le passage en faisant un signe de la main ou un appel de phare, ce qui s'obtient assez facilement , ...sauf quand c'est un gendarme galonné qui ne veut pas faire un effort pour laisser passer un autre usager! Si, si ! A PK 6 la circulation était bloquée dans les deux sens en ce mois de novembre 2001, comme les autres mois d'ailleurs à cet endroit; notre taxi voulait repartir en direction de l'ancien pont; à petits pas le chauffeur a essayé de couper la file venant de sa gauche pour aller dans celle venant de droite. Hélas! une belle voiture venant à gauche s'est plantée au milieu de la route, perturbant un peu plus la circulation, un gaillard en kaki galonné a laissé son volant, sa portière  grande ouverte, pour venir vers le taxi et lui demander de reculer en le menaçant avec des gestes qui ne souffraient pas la discussion. Puis notre dictateur en herbe est remonté tranquillement prendre son volant et poursuivre sa route. Ah mais!...Bel exemple de ce qu'on appelle l'abus de pouvoir ou de position dominante!

 Mais surtout aux carrefours non réglementés par des feux ou aux ronds- points,  il faut abandonner le concept "priorité à droite" ! Le camion ou le bus a la priorité sur tout autre, le taxi vient en deuxième position, et pour les autres c'est "au bonheur la chance". Lorsque vous circulez à l'intérieur d'un rond point à l'anglaise, contrairement à ce que dit le panneau "vous n'avez pas la priorité" pour ceux qui vont y pénétrer, il vaut mieux vous méfier et ...laisser la priorité à droite!!!

A part ça sur une voie à deux files ne cherchez pas à doubler par la gauche un véhicule plus lent que le vôtre puisqu'il occupe invariablement la voie la plus à gauche. Ou bien alors, si ! doublez plutôt par la droite, c'est plus pratique, et encore..., s'il reste une voie à droite car bien souvent elle sert de parc de stationnement quand elle n'est pas prise à contre- sens par une moto...

Quant au malheureux piétons ils ne peuvent que faire attention à leurs fesses; ils ne sont pas mieux considérés que des poulets traversant la chaussée; on a même l'impression qu'ils excitent les pédales d'accélérateur; on a bien mis des responsables pour faire traverser les enfants aux sorties d'école, mais j'ai encore vu cette année des véhicules foncer littéralement sur des groupes d'élèves tout klaxon hurlant.

Si vous rouspétez, on vous répond que le code c'est ce que fait la majorité, donc il faut imiter son prochain...

Pourquoi en est- on arrivé à une telle anarchie? Il existe bien un Centre National de Sécurité Routière, mais il ne peut que faire des constats et lancer des campagnes. La vérité est ailleurs: la police, la gendarmerie font un travail tout aussi anarchique que la circulation qu'ils sont censé surveiller; on arrête pour n'importe quel prétexte pourvu qu'on puisse soutirer de l'argent sous forme d'amendes qui ne génèreront jamais l'établissement d'un reçu. S'il y a un accident, le coupable peut très bien se retrouver victime s'il sait "s'y prendre" avec les autorités de police lors de la rédaction du procès- verbal. Les fins de mois sont redoutées en particulier par les taxis qui savent que chaque arrestation sera l'occasion d'une ponction sur leur recette pour que les policiers puissent améliorer leur ordinaire. Tout ce qui sera récupéré sur l'automobiliste sera partagé aux différents niveaux de la hiérarchie des pandores jusqu'au plus haut niveau. Le racket est une institution bien rôdée. Et puis on n'obtient pas forcément son permis à force de leçons; si l'on a su économiser il est toujours possible de l'avoir par d'autres "moyens" que le sacro- saint examen. Je n'invente rien, je ne fais qu'écouter ce que disent les béninois!

L'état des véhicules est très disparate. On voit du neuf mais, hélas! beaucoup de vieux. Les véhicules d'occasion arrivent au port de Cotonou par bateaux entiers depuis l'Europe. J'ai acheté au port un véhicule en octobre un dimanche matin pour le voir enfin arriver le vendredi en fin d'après- midi avec ou sans les reçus de tout ce qu'il a fallu payer; proprement inimaginable: un véhicule de 700 000 Francs CFA m'a coûté 800 000 francs de taxes et pourboires divers. Au passage il a été dépouillé de sa roue de secours, de la radio et de la plage arrière qui sont revendus au marché noir par les pilleurs de véhicule qui sillonnent le port et vivent de ce marché. Vous ne pouvez pas faire immatriculer la voiture si elle n'a pas satisfait le contrôle technique; moyennant à nouveau quelques billets vous faites sortir ce que vous voulez du port! Par exemple ma Peugeot avait été dépouillée aussi des ampoules de phares et de clignotants et pourtant elle est sortie du port avec un contrôle O.K. et a traversé la ville à la nuit tombante! Pendant que j'attendais devant le port pour les papiers d'immatriculation provisoire j'ai vu passer les véhicules de transit qui sortent du port pour gagner les pays limitrophes; un vrai spectacle: certains sont tractés avec une corde (j'ai même vu un convoi de cinq véhicules tirés par un petit tracteur et reliés ainsi les uns aux autres avec corde ou sangle), d'autres sont poussés à la main; manifestement s'ils ont encore un moteur il ne doit pas être en bon état. Ceux qui roulent n'ont pas forcément tous leurs éléments: pare- chocs, feux, calandre, voire des freins en bon état. Et pourtant ils traverseront tout le pays à grande vitesse pour rejoindre leur destination. Un ami me racontait début décembre que les gens d'un village de Bohicon manifestaient violemment suite à des accidents mortels à répétitions provoqués par les véhicules en transit.

Si l'on veut goûter aux joies de la conduite tranquille, il faut se lever de bonne heure un dimanche matin: un vrai délice de parcourir les boulevards de Cotonou à 8 heures!  En revanche, si l'on veut une prise de tête il est recommandé de prendre les grandes artères à 12h 30 et surtout vers 18 heures 30, lorsque tout le monde a quitté le travail et tente de rentrer à la maison; avec la tombée de la nuit on atteint le summum de ce que peut supporter un sujet zen car les rues sont mal éclairées et il faut alors que les rétines absorbent le flot des véhicules aux phares mal réglés, la nuée des motos et mobylettes qui déboulent de tous côtés, avec ou sans feu, tout en essayant de repérer le pauvre piéton qui tente une traversée de la rue en kamikaze. Si vous êtes arrêtés à un feu rouge, de nuit comme de jour, le redémarrage relève de l'exploit; vous avez un bon point si vous réussissez à vous sortir de la cohue des cycles sans en accrocher un.

Les taxis- motos appelés localement  "zémidjans"  (emmène- moi rapidement à destination) sont nés avec la faillite économique engendrée par le régime marxiste dans la fin des années 80. Les chômeurs des villes et des campagnes se sont rués sur ce gagne- pain au détriment des taxis de ville que j'ai connus au début de la même décennie. Créés et encouragés par Kérékou I, ils soutiennent inconditionnellement le régime Kérékou III  (actuel président de la république) qui voudrait bien les voir disparaître avec leur cortège de pollution mais ne peut se permettre de perdre leurs voix. On les reconnaît à leur chemise jaune immatriculée, tandis que le taxi de ville est carrossé en jaune avec le capot et la porte de coffre verts.

Les zèmidjans sillonnent toutes les artères principales ou secondaires des  villes, à la recherche du client; à Cotonou leur grand nombre est une véritable pollution pour l'air et pour la circulation: d'une part les pots d'échappement dégagent des fumées qui vont du blanc au noir en passant par le bleu pâle, d'autre part leurs conducteurs ne se soucient à l'évidence pas des règles les plus élémentaires du code de la route. Ils se faufilent à gauche, à droite, à contre- sens, coupent la route sans avertir, etc... etc... Brefs, ils font tout le "charme" de la conduite au Bénin mais compliquent sérieusement la tâche du conducteur qui doit aussi compter avec les trous qui encombrent la chaussée sur certains axes goudronnés (vers la SBEE à Vèdoko, vers Cadjéhoun par exemple) et les énormes "bagages" qui débordent parfois du zémidjan: matelas, meuble, collection de bidons en plastique, fer à béton traîné au sol (j'en passe et des meilleures!). Et, cerise sur le gâteau, on rajoute un passager, de préférence un enfant, assis sur le réservoir de la moto tandis que papa ou maman assis sur la selle arrière cramponne la charge.

C'est incroyable ce que le béninois charge et surcharge tout type de véhicule pour tirer le meilleur parti d'un voyage, c'est- à- dire gagner le maximum d'argent tout de suite. Comme dans beaucoup d'autres situations il s'agit d'une vue à court terme; on ne voit pas les lendemains qu'il faudra passer à perdre de l'argent parce que le taxi ou le camion ou la mobylette sont trop rapidement immobilisés, voire complètement cassés à force d'avoir été trop surchargés.

Une fois  compris le non- code de la route béninois on s'en sort mais sans oublier de pester de temps en temps contre les inconscients qui ont dû apprendre à piloter sur les pistes de leur village! C'est vraiment folklo tout ça, même un peu amusant de se forcer à oublier ce qu'on vous oblige à respecter ailleurs! Entre la Yougoslavie, la Turquie ou le Maroc je n'ai jamais conduit avec autant de fantaisie !!!

Et sur les pistes des campagnes il en est de même...

Mais là, pour la conduite, allez- y franco, à 80 km/h, en faisant toutefois attention: pour aller à Nikki chaque entrée et sortie de village dispose d'un gendarme couché (un tronc d'arbre en l'occurrence) qui se confond avec la latérite; la présence d'un panneau "dos d'âne" vous propose de le chercher! Les véhicules souffrent avec la poussière, les secousses ou les vibrations. Il n'y a pas qu'eux qui souffrent d'ailleurs: lorsqu'on croise ou double un piéton, un cycliste, un motocycliste, c'est pour l'envelopper inexorablement dans un nuage de poussière rouge; les enfants qui partent à pied au collège longent la piste et doivent arriver en cours avec les cahiers ou les livres uniformément teintés car leur réflexe est de les poser sur la tête pour se protéger du nuage de latérite à l'approche d'un véhicule. Combien de fois je roulais à regret en voyant sur le bas côté de la piste du linge fraîchement lavé, étendu là pour sécher...

L'approvisionnement des véhicules fait beaucoup appel à l'essence de contrebande que l'on retrouve en bouteille ou en bonbonne sur le bas côté des routes, le Nigeria étant le principal pourvoyeur. Le vendeur qui réussit à stocker d'importantes réserves d'essence chez lui encourre de gros risques. Ainsi, en cette fin novembre 2001 on me raconte à N'Dali que dans un village au nord de cette ville, à Ina, un homme d'une trentaine d'années vient de périr carbonisé avec son neveu de 14 ans: ils ont allumé une lampe dans le salon de la maison alors que la porte de communication avec une chambre où était entreposé le stock d'essence était ouverte. La flamme a vite parcouru les vapeurs d'essence en cette période sèche de l'harmattan et toutes les pièces se sont embrasées et ont littéralement explosé avec les fûts et les bonbonnes. Le malheur a voulu que l'incendie arrive alors que le vendeur était à la veille de construire un dépôt de stockage en dehors de l'habitation maintenant qu'il avait suffisamment économisé. Le jeune homme qui m'a raconté cet évènement arrivé la veille était encore tout retourné, me disant qu'il n'avait jamais encore vu un corps humain transformé pareillement en charbon. Si ce n'était que le seul cas... et si ça pouvait décourager ceux qui vivent encore de finir ainsi... Encore un exemple des retombées de la pauvreté.

 Copyright © décembre 2001 Bernard MICHEL

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