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 Les expulsés passent toujours par camions entiers dans le quartier d'Akpakpa. C'est plutôt le soir qu'on les voit arriver en nombre important. Il paraît que la frontière ghanéenne a été ouverte; elle était fermée depuis septembre 1982 à l'initiative du Togo pour enrayer un important trafic de contrebande de cacao; les réfugiés ont pu passer sans formalité de contrôle; le bouchon a été liquidé dans la journée de dimanche. Par contre un bouchon existe côté frontière nigériane. Aujourd' hui l'évêché, en liaison avec le gouvernement béninois, tente de mettre sur pied une aide alimentaire et sanitaire; les hôpitaux se remplissent rapidement.

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Photo Eco-magazine, janvier 1983

 Tout le monde se demande ce que vont devenir les indésirables dans leur pays d'origine: ils l'ont quitté par manque de travail; à présent ils retournent dans un pays ( le Ghana est montré du doigt) encore plus affaibli et incapable de leur donner nourriture et travail. On parle même d' un risque de déstabilisation politique du Ghana et du Mali. La Haute- Volta serait dans la même situation. Une autre question se pose: ce sont les salariés non- qualifiés qui sont refoulés à la frontière nigériane; que vont- ils devenir? Le gouvernement souhaiterait que les aides soient placées entre les mains des organismes officiels nationaux, mais à l'évêché on ne suit pas: on craint les détournements de denrées à des fins personnelles. L'évêque a invité les chrétiens à ne pas participer au marché noir et aux spéculations sur les produits et services.

 

Mardi 1er Février

 

Mercredi 2 Février

Les problèmes sanitaires et alimentaires subsistent pour les expulsés et les nouvelles arrivent pèle- mêle: Dominique, religieuse infirmière, a dispensé des soins hier encore toute la journée:conjonctivites, plaies, dysenteries, malaria... Une boulangerie béninoise a accepté de vendre le pain pour les réfugiés 50 F au lieu de 65 F si on lui passe commande pour 10 000 pains. Il paraît que des expulsés se sont suicidés dans le port de Lagos en se jetant à la mer depuis les bateaux. Un bébé a été retrouvé abandonné avec son placenta.

Une mère a été hospitalisée à Cotonou mais elle refuse de garder et de nourrir son bébé; il faut trouver un interprète ghanéen pour la décider à changer d'avis. Une femme enceinte est morte d'épuisement à force de marcher. Le gouvernement béninois a organisé le transport des indigents par camions titan qui font la navette entre le Nigeria et le Togo pour éviter qu'ils ne restent en trop grand nombre dans le pays. Il paraît que la police nigériane ratisse déjà les hôtels pour en chasser les clandestins qui tentent d'échapper à l'exode; on ne laisse pas de répit là- bas, peu importe de savoir comment ça se passera après pour les individus! Des réfugiés ont marché sur plus de cent kilomètres avec bagages et enfants.

exod11.jpg (30964 octets)Photo Le Matin

02/01/83

On dit que le Nigeria a pris la décision d'expulsion non seulement pour des raisons économiques mais aussi pour un fait politique: des élections vont avoir lieu début mars. Dans le lot des "chassés" on estime qu' il y aurait entre autres 200000 béninois et 800000 ghanéens. Les voltaïques et maliens partent par le Niger, au nord; pour eux ça semblerait se passer mieux que pour ceux qui émigrent par le sud. On nous apprend que, vu d'avion, l'aéroport et la plage attenante sont gardés par les militaires, pièces d'artillerie en place. Nous passons devant le Sheraton Palace où ont été parqués les réfugiés ghanéens la semaine dernière, juste en face de leur ambassade! Des libyens ont aussi été expulsés du Nigeria, accusés de vouloir déstabiliser le pays. Beaucoup regrettent les moyens utilisés pour l'expulsion de tous ces réfugiés. Rien n' a été prévu par les autorités quant aux conséquences d'une telle marée humaine.

 

Samedi 5 février

Les tchadiens ont été refoulés à leur frontière, ont retraversé le Nigeria en camion pour se retrouver maintenant coincés à la frontière béninoise de Kraké; il y a eu des blessures au couteau (les gens s'énervent). Quelques jours plus tard nous apprendrons qu'ils ont pu être évacués par avion vers leur pays.

Au Bénin, les syndicats de transporteurs ont décidé de ne faire payer aux réfugiés qu'un aller vers le Togo, le prix ne comprenant pas le retour à vide des camions, avec transport gratuit pour 2 valises. Par contre à la frontière nigériane on a littéralement dépouillé ceux qui avaient quelques biens à vendre. Un camionneur a même fait payer le transport pour une famille, l'a faite attendre prétextant qu'il devait préalablement aller chercher d' autres "clients" ... et n'est jamais reparu... On a l'impression que le gouvernement béninois s'est plus occupé que les autres pays du problème des réfugiés. Pure philanthropie? Humanitarisme? Ou le Bénin n'a- t- il pas tout mis en oeuvre pour éviter de garder trop longtemps sur son territoire des indésirables? Peut- être tout à la fois... !

nig11.jpg (33503 octets)Photo Paris- Match du 11/02/83

Vendredi 11 février

 Les expulsés ont pratiquement tous été rapatriés vers leurs pays d'origine. Ehuzu, le journal officiel béninois, annonce l'arrivée dans les pays touchés par l'exode de divers organismes internationaux. La succursale béninoise de Thomson doit transmettre une somme d'argent à une paroisse pour l'aide aux réfugiés.

 

Jeudi 17 février

Je retourne sur Lomé prendre l'avion qui va me transporter à Ouagadougou. Nous passons devant Ouagué, dernier village avant la frontière togolaise; c'est ici que commençait le fameux bouchon il y a 3 semaines. Maintenant la route est libre, dégagée, sans trace apparente des drames qui ont été vécus ici. Seules à la frontière bénino- togolaise d'Hilakondji, deux tentes de la Croix- Rouge, celles que nous avions vues dans la nuit cauchemardesque. Qu'attendent- elles ?...

 

exod12.jpg (33792 octets)Photo Le Matin

02/01/83

 

En tout cas l'honneur est sauf: quinze jours après les expulsions le ministre de l'intérieur nigérian a annoncé officiellement à la radio que la criminalité avait diminué de 50% dans son pays depuis le départ des étrangers!...

nig130.jpg (35165 octets)Photo Paris- Match du 11/02/83

 

Lorsque je rentrais en France le pays se préparait aussi à des élections; un certain Le Pen faisait campagne avec des arguments tout aussi sécuritaires... Comme quoi la bêtise humaine est universelle...

 Copyright © janvier 2002 Bernard MICHEL

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