Les
jours ouvrables, dans la matinée, les jeunes sillonnent le centre
ville en train de faire des "affaires". Ils sont dans
les marchés, quartiers chics, ministères et autres. Les uns sont
à l'affût de bons de commandes administratifs ou de demandes de
factures pro-forma, les autres arpentent à longueur de journées
les marches des établissements publics, les couloirs des hôtels,
pour proposer, à qui le voudrait, leurs services comme démarcheurs,
courtiers, etc.
Aucun n'est demeuré dans un créneau
pendant plus de 10 ans. Tous ont changé d'activités parce que
les opportunités du moment le commandaient.
C'est l'exemple de Patrick qui a
commencé comme vendeur de motos. Quelque temps après, il
abandonne ce secteur pour ouvrir une buvette qu'il ferme une année
plus tard pour s'improviser entrepreneur en bâtiments.
Comme on le voit, les chemins des
affaires sont nombreux, il suffit de savoir choisir celui qui mène
à bon port pour se tirer d'affaires. Un autre affairiste-démarcheur
raconte lui aussi son parcours. Il fut employé dans une
entreprise de la place qui vend du matériel bureautique et
informatique.
Compressé en 1992, il devient
lui-même démarcheur-vendeur de rames de papiers aux Ong et
entreprises privées. En 1999, il change de cap et se tourne vers
l'informatique et la bureautique en vendant consommables,
imprimantes et photocopieurs aux clients qui acceptent ses offres.
"Je détiens des catalogues
de certaines entreprises françaises qui vendent ces produits.
Lorsque j'obtiens un marché, je m'adresse à l'une de ces maisons
en France pour avoir une idée de sa facture pro-forma hors taxe.
En fonction du prix de l'Hexagone,
j'établis à mon niveau ma propre facture pro-forma en y ajoutant
mes marges bénéficiaires. Je l'envoie à mes clients. En retour,
je reçois leur bon de commande et je leur livre la marchandise
que je paie de ma poche en France", explique-t-il. Les femmes
font aussi les affaires.
Elles vendent des habits pour
messieurs et dames, des chaussures, des chaussettes ou des
produits cosmétiques importés qu'elles introduisent
frauduleusement. Courtoises lorsqu'elles proposent leurs
marchandises, elles le sont moins quand elles viennent réclamer
leur dû. Toujours l'air pressé, elles maîtrisent les entrées
de tous les bureaux de Cotonou. Certaines accordent des crédits
à des taux usuriers, une autre dimension des affaires.
Des escrocs aussi...
Il existe une autre catégorie
d'hommes ou de femmes d'affaires qui excellent dans le faux.
Jonathan en est le prototype. Récemment, il a pu escroquer une
grande école de Cotonou en passant à la fois pour réparateur de
photocopieur et vendeur de pièces de rechange de cet appareil.
Il a pris de l'argent à l'un des
responsables d'une école pour lui rapporter un tambour neuf en
remplacement de celui du photocopieur qu'il a lui-même jugé défectueux.
Non seulement Jonathan n'est pas revenu avec le tambour neuf,
mais, il a disparu avec le premier. Depuis lors, il reste
introuvable par les responsables de l'établissement et continue
à escroquer.
Bernard se dit lui aussi
"homme d'affaires". Mais personne ne sait dans quel
secteur il intervient pour ses affaires. L'important pour lui,
c'est de s'arroger ce titre pour accéder à certains milieux. Vu
son accoutrement, rien ne peut le trahir. Il vit au jour le jour.
Pendant que les vrais hommes d'affaires affrontent soleil et
autres obstacles, font le siège de la douane, des sociétés de
fret et de transit pour délivrer leurs marchandises, Bernard se
plaint de ses "difficultés".
Il les raconte à qui veut
l'entendre. "Rien ne marche chez moi. La douane a bloqué mes
produits", déclare-t-il souvent à ceux qui cherchent à le
coincer. Il réussit assez souvent son coup de maître et escroque
de l'argent à ceux qui le croient sur parole.
Les "affairistes" de
Cotonou ont plusieurs facettes. Ceux qui le sont ou se prennent
pour tels se rencontrent parmi les différentes composantes
sociales de Cotonou. Ils reçoivent l'appui des expatriés et bénéficient
parfois de la complicité des autorités. Ils sont très inspirés
et ont le flair des "affaires". Même coincés, ils s'en
sortent.
Pour preuve, beaucoup ont été
arrêtés par la police, la gendarmerie ou ont été déférés à
la maison d'arrêt mais, ils refont toujours surface avec la détermination
de celui qui bénéficie de soutien en haut lieu. Ainsi, va le
monde des affaires au Bénin.
L'informel et le formel font
toujours bon ménage. Des gens sans établissements, sans capital
côtoient ceux qui agissent en toute légalité même si de temps
à autre, tous versent dans le faux. v
© Le
Point au quotidien